Fortin, Notaire
1er août 1774 – Inventaire des biens de la succession de feue Thérèse Leclerc #92
L’an mil sept cent soixante quatorze le premier d’août, onze heures du matin, à la requête de Pierre Chabot, habitant de St-Charles, veuf de Thérèse Leclerc, tant à son nom à cause de la communauté de biens qui a été entre lui et sa dite deffunte femme, que comme tuteur élu aux neuf enfants mineurs issus d’entre lui et sa dite deffunte, paraître de ce jour, - en présence de Jean Baptiste Paquet, subrogé tuteur aux dits mineurs, élu par même acte; aussi présent Victor Hébert, comme ayant épousé Marie Thérèse Chabot, héritière majeure de la dite deffunte, pour la conservation des biens et droits de qui il appartiendra, a été par nous Joseph Fortier, Notaire en la Côte du Sud, et résident paroisse St-Michel, soussigné, procédé à l’inventaire des biens meubles meublants, ustensiles de ménage, grains, bestiaux, enseignement, titre et papiers, immeubles généralement quelconques dépendant de la dite communauté, lesquels dits biens nous ont été représentés par lui dit tuteur en son âme et conscience de ne rien détourner ni cacher directement ou indirectement aucuns, sous les peines de droit à lui expliquer, - prisés et estimés les dits biens par les dits Jean Bilaudeau et Gabriel Gosselin, amiables arbitres choisis des parties, qui ont le tout estimé, ainsi qu’il en suit, premièrement
Six crochets servant de crémaillère, prisés et estimés le tout à six sols 0,06
Deux pelles de fer et quatre chaudrons, petits et grands, deux
marmites, prisés le tout vingt quatre livres dix sols 24,10
Poële, lampe, deux cuillers à pot, fer à flasquer (?) 2,10
Un trippié, tasse et quantine, lanterne et couloir 1,10
Un moulin à poivrer, boëte et poivrière 1,00
Onze assiettes et deux plats, le tout d’étain 12,00
Vingt quatre cuillers et treize fourchettes 2,00
Une bolle et petite tayère de fayence ,05
Onze plats et huit assiettes de verre 1,00
Quarante quatre terrines, deux livres huit sols 2,08
Trois cruches à l’huile, dont deux pots dans une 3,00
Huit bouteilles et deux tasses d’étain, prisé le tout 1,00
Deux gobelets de cristal, six sols ,06
Suit la tonnellerie
Neuf ceillots (?siaux=seaux),trois cuves et deux cuvettes 8,00
Quatre tinettes, deux salloirs, deux vans (?pour vanner le grain)
et deux demi minots, un baril à boisson et un autre à l’huile 6,00
Deux bariques, et six cards(?quarts=baril), un farinier coffre
et un canot (?), le tout quatre livres quatre sols 4,04
Suivent les outils
Une arminette (? herminette) et tille (?) ronde, trois livres 3,00
Six haches et six hoües, le tout à douze francs 12,00
Une plainne, deux sciots (? sciottes), trois tarières et
deux vrilles, le tout estimé à trois livres 3,00
Une verloppe, rabbot, et fer d’outil 1,00
Deux croques et deux broques (?brocs), deux marteaux,
bédame (?), tenaille et cizeau 4,10
Compas, équerre, trois faults (? faux) carriés 1,00
Dix neuf faucilles, deux broques, trois tables 3,00
Une bergère, neuf chaises, deux huches 2,00
Un buffet et armoire, dix livres de savon 12,00
Un dressoir, cinq coffres dont un à mettre du pain 8,00
Une petite cassette, poelle de brique plaque (?) 6.00
Un sas et une monture et miroir carré 1,00
Des cardes et un couteau à bucheron et mortier 1,00
Trois rouëts et un à cannelle et un mettier (? métier) quarrié
à double lamme et laine filée 15,00
Environ d’une livre de laine non filée ,15
Ce qu’il y a de fil filé, à toille et à coudre 1,40
Deux allesnes (? alènes) et balance, trois planches de pin 1,40
Un lit contenant couchette, deux paillasses, traversin, deux draps,
couverte de droguët, rideaux simples 9.00
Un autre lit contenant couchette, paillasse,traversin,
deux draps et une couverte 6,00
Un autre lit pareil 4,00
Un autre lit contenant couchette, deux draps, paillasse,
couverte et deux petits oreillers, le tout à 3,00
Une paillasse traînante, couverte et oreillers 1,40
Un ber - vingt quatre sols 1,40
Une peau de bœuf pour cariole 6,00
Trois paires de dras (? draps) neuf livres 9,00
Neuf nappes et un sac à vivres (?), le tout 1,16
Vingt poche tant bonnes que mauvaises 1 0,00
Tois boites, et un atrier (?) et ferraille 2,00
Trois chaines et six fers à cheval 2,00
Une ferrie (?) -vingt sols 1,00
Suivent les graines en nature
Vingt quatre minots de bled de quatre livres le minot – estimé à 96,00
Suivent les grains ensemencés
Vingt minots de bled à quatre livres le minot 80.00
Cinq minots de pois, à quatre livres le minot 20,00
Sept minots et demi de godriole à quarante sols le minot -quinze livres 15,00
Sept minots et demi d’avoine à vingt quatre sols le minot – neuf livres 9,00
Un minot et demi de graine de lin, à trois livres le minot 4,10
Pour frais de labour – quatre vingt dix neuf livres 99,00
Dix jours de hersage à quarante sols par jour 20,00
Total des grains semés, labour et hersage 253,10
Un cantique (?), imitation et méthode de couvent…fait avec
deux feuilles de papier fleuri -trente sols 1,10
Un fléau et balance – vingt sols 1,00
Petite ballance et sallière, sept sols ,07
Suivent les harnais
Deux charrues quarriées – trois livres 12,00
Un cabroüet (? cabriolet) 6,00
Deux charrettes à gerbe. Avec leurs roues, frettes (?) 6,00
Une paire de roues neuves - six francs 6,00
Deux vieilles herses, un établi et chevalet 1,00
Deux carioles lissées – quatre livres 4,00
Sept tresnes (? traînes), bonne et mauvaise, le tout 3,10
Trois paires de ménoires avec leurs chaines 1,10
Trois harnais complet – dix huit livres 18,00
Un vieux banneau avec ses étriers 1,40
Trois joüg, deux paires de courroies et deux traits de vache
marine, brasselets et amarres d’étouppe 3,00
Deux chevaux, l’un entier et l’autre coupé, prisés ensemble,
quatre vingt seize livres 96,00
Une paire de bœufs de quatre ans 72,00
Une paire d’un an 8,00
Cinq mères vaches dont une a son petit 90,00
Un petit veau d’élève, trois livres 3,00
Une petite génisse d’un an – six livres 6,00
Dix mères brebis, douze petits et un bélier 66,00
Quatre nourritureaux (porcelet de l’année), à quatre francs pièce 12,00
Quatorze poules, dont aucune a des poulets 9,10
Une douzaine et demie de chandelles ,12
Suit l’argent monnayé
Quatre livres deux sols en monnaye 4,20
Suivent les dettes actives
Dû à la communauté, par Pierre Daigle 12,00
Par Joseph Billodeau, cinq livres 5,00
Par Joseph Roy, seize livres 16,00
Par Charles Boillart, deux livres 2,00
Par Jacques Penin (?), trois livres 3,00
Par Augustin Michon et la Veuve Gosselin 1,16
Par Louis Gosselin vingt sept livres 27,00
Par Jern Baptiste Larammée cinq livres 5,00
Par louis Izabelle deux livres 2,00
Suivent les dettes passives
La communauté doit à Mr Deschenault 7,00
À Joseph Boissel soixante seize livres 76,00
À Mr Dufault, marchand, à Québec 54,00
À Chevalier, marchand dix huit livres 18,00
À Messire Sarault quarante deux livres 42,00
À Jean Lapointe trente neuf livres 39,00
Suivent les titres et papiers
Le contrat de mariage d’entre Pierre Chabot et Thérèse Leclerc portant communauté de tous biens meubles et immeubles, un douaire de trois cent livres, un préciput de deux cent au survivant d’eux, passé devant feu Louis Pichet, Notaire Royal, en date du 18 avril 1752, cotté A et paraphé. A
Une donnation par Marguerite Edmond à Pierre Chabot, passé devant le notaire soussigné, en date du 14 avril 1764. – Cotté B et paraphé B
Une quittance de Pierre Chabot envers Joseph Langlois, marguiller de la fabrique de St-Pierre d’un constitut (?) et vente d’icelle, signé de Monseigneur Desgly, curé de la dite paroisse en date du 11 février 1774. Cotté C et paraphé - C
Un contrat de concession par Mr. Péan à Jean Leroy d’une terre de trois arpents de large sur quarante de profondeur, située à Livaudière, passé devant feu Maître Pivaquet, vivant Notaire royal, en date du 19 août 1742, quotté D, et paraphé D
Un contrat de concession par Mr De la Fontaine à Jean Audet, d’une terre de trois arpents de large sur quarante de profondeur, située en la Seigneurie de S-Gilles, passé par devant feu Barolet, Notaire public, en date du 11 août 1737. Cotté E et parafé E
Échange entre Jean Leblanc et Pierre Chabot, passé devant le Notaire Public, le 22 avril 1763, cotté F et parafé F
Un contrat de concession par Mr Daine, faisant pour Mr Péan, à Pierre Chabot d’une terre de trois arpents de large sur quarante de profondeur, située en la Seigneurie de St-Michel, au sud de la Rivière Boyer, passé devant Mtre Panet, Notaire Royal, le 23 juillet 1764. Cotté G et paraphé G
Un procès-verbal de bornage entre Joseph Roberge et Pierre Chabot, passé devant Plamondon, arpenteur, le 26 juillet 1766, cotté H et paraphé H
La dernière quittance des cens et rentes de l’année dernière, signée de Mr Deschenaults, Seigneur, du 11 novembre 1773, cotté J et paraphé J
Attendu qu’il est sept heures, nous avons cessé la présente vacation, la continuation remise à demain cinq heures du matin; -et ont signé le dit Sieur subrogé tuteur, Gabriel Gosselin, arbitre, et Roussel, témoin, avec nous dit Notaire, à la minute des présentes, le dit tuteur ayant déclaré ni sçavoir signer de ce enquis.
(Signé) «Fortier»
Advenant le deux d’avril mil sept cent soixante quatrorze, cinq heures du matin, nous avons vaqué à la continuation du présent inventaire, aux requête et présence que ci-devant.
Suivent les immeubles
1* Une terre de trois arpents de large sur quarante de profondeur, située en la Seigneurie de Livaudière, paroisse St-Charles, au nord de la Rivière Boyé, bornée au Nord-Est à François Poulliot, et au Sud-Ouest à Louis Audet dit Lapointe, sur laquelle il y a de construit une maison moitié pierre et moitié collombage, le tout de quarante deux pieds de long sur 23 de large, la chambre moitié lambrissée, la couverture en planche et bardeau; - contenant chambre et cuisine, plancher haut et bas, cheminée de pierre au milieu; - contenant sept ouvertures de vingt verres, et une petite de neuf verres; - et un bas côté au Nord-Est dont les deux pignons de pierre, et le milieu en planche de cinq pieds de long, sur la même largeur que la dite maison; - la chambre de colombage à demi usé et le plancher de bas aussi à demi usé, et la couverture de bardeau demi usé.
2* Une grange et étable d’assemblage, contenant quatre vingt deux pieds de long, et de vingt cinq de pieds de large, le tout clos en planche debout, couvert de paille, au tiers usé; - un bas côté au Nord-Est de pièce sur pièce, de huit pieds de long sur vingt trois de large, couvert en paille; - et de plus un autre petit bas côté tenant de quinze pieds de largeur sur cinq de long, clos et couvert en planche, à moitié usé.
3* Un fourny (? fournil) en planche et pièce, et sa closture de vingt deux pieds sur treize, couvert en planche et bardeau, le tout demi usé.
4* Un petit bastiment de charpente clos et couvert en planche, au tiers usé.
-* Une autre terre de trois arpents de large sur quarante de profondeur, située au Sud de la Rivière Boyé, Seigneurie de Livaudière, dite paroisse St-Charles, bornée au Nord-Est à Pierre Mimaux, et au Sud-Ouest à Joseph Roberge, sur laquelle il n’y a aucun bastiment.
-* Une autre terre de trois arpents aussi de large sur quarante de profondeur, aussi dite Seigneurie de Livaudière, dite paroisse St-Charles, bornée au Nord-Est à la ligne seigneuriale, et au Sud-Ouest à Joseph Côté, sur laquelle il y a de construit une grange d’assemblage seulement de trente trois pieds de long et vingt cinq de large, close et pignonnée en planche et les deux pans en paille, presque neuve…
Qui sont tous les biens dépendant de la dite communauté, - dont les meubles ont été vendus le deuxième août, et adjugés en la manière de coutumée, pour sur le produit du tout être fait droit, à qui et ainsi qu’il appartiendra.
Fait les jour et an que ci-devant; et ont signé le subrogé tuteur, et Gabriel Gosselin, arbitre, avec nous dit Notaire, à la minute de ces présentes, le tuteur ayant déclaré ne sçavoir signer, de ce enquis.
(Signé) «Fortier»
Clos et arrêté le présent inventaire, suivant date de ce jour, à Québec le 18 octobre 1774
Par ordre de la cour
(Signé) «Bonneau»
Vraie copie, Québec 26 avril 1908
M. H. Chabot, Avocat
[Note du copiste : J’ai dactylographié cet acte en respectant, autant que faire se pouvait, l’orthographe et la structure du texte original: entre autres, les termes anciens et ceux appartenant au langage juridique de l’époque. À quelques endroits, j’ai indiqué par un «?» entre parenthèses un mot impossible à déchiffrer, inconnu ou rare, et parfois fourni un équivalent. Marcel Chabot, 12 septembre 2020]
Commentaire : Dans le paragraphe d’introduction de cet acte, il est mentionné que Marie Thérèse Chabot, fille du couple Chabot-Leclerc, est « l’héritière majeure de la dite deffunte, pour la conservation des biens et droits de qui il appartiendra… ». Son époux qui l’accompagne est Victor Hébert. Il est permis ici de se poser la question : pourquoi ce legs des biens à sa fille encore mineure et à son gendre. Il semble y avoir là matière à interrogation. Malgré la victoire des Anglais et le traité de Paris de 1663 par lequel était cédée officiellement la Nouvelle-France à l’Angleterre, c’est la Coutume de Paris. qui régissait encore le droit des individus, en particulier le droit personnel, leur régime matrimonial, ainsi que la propriété et la transmission de leurs biens. C’est Louis XIV qui l’avait imposée par ordonnance en 1667. Elle a continué longtemps a prévaloir chez les Canadiens, malgré la volonté des autorités anglaises d’instaurer le droit anglais (pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir davantage, consulter le site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_droit_au_Québec.
Cet inventaire est fort intéressant et étonne d’une certaine façon. Moins de vingt ans après leur installation à Saint-Charles, la liste des biens et la description des immeubles que possède le couple montre qu’il vivait plutôt à l’aise malgré les problèmes qu’avaient dû leur apporter la guerre et l’occupation par les vainqueurs. Cela laisse à supposer qu’aussitôt les hostilités terminées, les habitants se sont dépêchés de réparer les dégâts qu’ils avaient subis et se sont remis au travail comme si de rien n’était. Ils ont continué à cultiver leurs terres, à récolter, à augmenter leur cheptel, à acquérir d’autres terres. La vie continuait juste comme avant. Ils ne semblaient pas regretter leurs maîtres français. Ils occupaient des terres concédées par des Seigneurs français, réglaient leurs litiges en faisant appel à des notaires francophones, les mêmes que d’habitude.Ils travaillaient dur certainement, s’entraidant les uns les autres. Et il est certain que les femmes faisaient leur grande part ainsi que les enfants, dès qu’il avaient l’âge de faire quelque boulot.