1er Août 1774 – Tutelle aux enfants mineurs de Pierre chabot et Thérèse Leclerc #91

Bonneau, Greffier


L’an mil sept cent soixante quatorze le premier août, en vertu de l’Ordonnance de l’Honorable Adam Mabame est comparu Pierre Chabot, habitant de St-Charles, veuf de Thérèse Leclerc, devant nous Notre, lequel nous a dit qu’en conséquence de la dite ordonnance, il a fait assembler devant nous Notre les parents de neufs enfants mineurs issus de son mariage avec la dite Leclerc, aux fins de nommer un tuteur et un subrogé tuteur aux mineurs, sçavoir,

Joseph Chabot, oncle paternel

Louis Lapointe, cousin

Jean Baptiste Pâquet, oncle

François Gabriel et Guillaume Gosselin, cousins

et Jean Billaudeau, ami

Lesquels après avoir prêté serment de donner fidèle avis, et après avoir délibéré, ont dit unanimement que leur avis est que le dit Chabot soit tuteur à ses dits mineurs, et le dit Jean Baptiste Pâquet pour subrogé tuteur, de laquelle délibération et nomination nous avons donné acte.

Et ont les dits tuteur et subrogé tuteur volontairement accepté les dite charge, et promis par serment faire leur devoir en icelles, dont acte.

Ainsi signé «J. Bte Pâquet», «François Gosselin», «Gabriel Gosselin», «Guillaume Gosselin», les autres ont déclaré ne sçavoir signer, de ce enquis.


Collationné de l’original par nous greffier soussigné, à Qubec le 18 8bre 1774


(Signé) Bonneau


Vraie copie  – 29 mars 1908

M. H Chabot, Avocat


[Note du copiste : J’ai dactylographié cet acte le plus fidèlement possible d’après la vraie copie de l’original réalisée par Me M. H . Chabot de Québec le 29 mars 1908. Marcel Chabot, 13 septembre 2020]


Commentaire : Thérèse Leclerc est morte jeune, à peine âgée de 41 ans (1732-1773), après avoir mis au monde neuf enfants (onze selon d’autres sources) dans des conditions extrêmement difficiles. Pierre et Thérèse ayant convolé en 1752 à St-Laurent, Î. O., ils ont décidé de déménager non longtemps après, car leur premier enfant est né en 1754 à Saint-Charles-de-Bellechasse. Les rumeurs commençaient déjà certainement à circuler à l’effet que les Britanniques s’apprêtaient à attaquer la Nouvelle-France, et l’on devait suggérer aux jeunes couples de l’Île d’aller s’établir dans un endroit moins exposé au danger. Et puis, étant donné les familles nombreuses, les terres cultivables devaient se faire de plus en plus rares sur l’Île.


Il semblerait que c’était  la coutume, à l’époque, de faire intervenir un notaire pour confier la tutelle d’enfants mineurs au parent survivant (Depuis l’année 1665, c’est la Coutume de Paris (un code régissant les lois civiles) qui s’appliquait en Nouvelle-France selon un édit de Louis XIV) ). Ce que l’on apprend, c’est que Pierre l’a accepté de bon gré, ce qui laisser croire qu’il était attentionné pour sa famille. Le nouveau Pouvoir britannique crut bon  laisser en place ce code.


D’autres actes consultés  laissent par ailleurs croire qu’il y avait mésentente entre les époux au moment du décès de Thérèse. Cette mésentente portait-elle sur les bénéficiaires de l’héritage, dont sa fille Marie-Thérèse, mineure (la majorité arrivant en ce temps-là à 25 ans)  et son époux Victor Hébert. La décision de la mère est surprenante, car c’est l’aîné Jean-Baptiste (né en 1754) qui, semble-t-il, aurait dû être l’héritier. Le fait est que Pierre racheta, quelque temps plus tard les biens de Victor Hébert et de son épouse Marie-Thérèse, ainsi que, quelque temps après, ceux de Jacques Buteau, mari de Marguerite, une autre fille du couple (lire les actes 93 et 104) à ce sujet dans ce site). Pierre avait-il été heurté, mortifié, par cette décision de son épouse de céder ses biens à sa fille aînée mineure (elle n’avait pas encore 18 ans au moment du décès de sa mère homonyme)? Serait-ce que la parenté de Thérèse serait intervenue en sa faveur à la suite d’un quelconque litige?  Y avait-il bisbille entre Pierre et Thérèse et à quel sujet? Il semble à la lecture d’autres actes publiés dans ce site que Pierre n’était pas homme à baisser les bras. Il aimait « aller au fond des choses ». 


Le couple Chabot a certainement vécu des moments pénibles pendant le siège et après la défaite des Plaines d’Abraham, ce qui a pu être la cause de mésententes et de querelles familiales. Mais il devait être solide pour quand même arriver à garder en vie et amener à maturité leur nombreuse marmaille. On ne peut même pas imaginer ce qu’il a dû souffrir, perdu avec quelques autres familles au fond des bois.


Cantonnés par milliers à la Pointe Lévy d’où ils pouvaient canonner à loisir la ville de Québec, les soldats de l’armée de Wolfe, qui écumaient la Côte Sud, s’enfonçant loin dans les bois, ont dû leur rendre visite à maintes reprises pour s’emparer de leurs animaux et de leurs récoltes. Mais aussi pour les menacer et ainsi les empêcher de s’en prendre à eux. Beaucoup de chefs de famille parmi les Canadiens (c’est ainsi qu’on désignait les habitants de la colonie pour les différencier des Français venus pour le temps d’une mission) faisaient partie de la milice ; ceux-ci étaient appelés par les autorités civiles et militaires à se prêter au maniement des armes et à l’art du combat en vue d’un conflit éventuel. Il est évident donc que les Anglais voulaient les empêcher d’agir. Pierre était-il un milicien? On l’ignore. Ce que l’on sait, c’est que des hommes armés ont harcelé, depuis la forêt, des soldats anglais du cantonnement de la Pointe Lévy.  Imaginez… une famille naissante, à peine établie sur une terre probablement à moitié défrichée, en butte à la menace constante d’hommes armés, vivant eux aussi dans des conditions difficiles, donc peu portés aux égards… On se demande comment ils ont pu passer au travers de ces difficultés sans nombre… Pensez à la pauvre Thérèse qui, en moins de 22 ans de mariage a mis au monde 9 enfants (peut-être onze, selon d’autres sources), les a élevés et gardés en vie jusqu’à leur maturité. C’est Jean (né le 12 novembre 1754), l’aîné, qui, marié à Marguerite Lacasse en 1781, a perpétué la lignée qui est la mienne.


Ceux et celles qui seraient intéressés à en connaître davantage sur les lois s’appliquant dans le deuxième moitié du XVIIIe siècle dans la Province de Québec, peuvent consulter le site Droit au Québec.