Vers et rimes
Trop tard
Trop tard, oui bien trop tard,
Je tourne mon regard
Derrière mon épaule,
Comme la vie est drôle
Et pentu le chemin
De jadis à demain…
Elle est finie l’époque
- Faut-il que l’on s’en moque -,
Quand caresser la chair
Au soleil, au grand air
D’une fille lascive,
À la cuisse jouissive,
Excitait à loisir
L’aiguillon du désir.
Ah! Alors quelle ivresse!
C’était pure allégresse!
Trop tard, vraiment trop tard
Et j’ai pris du retard
Sur le temps qui déroule,
Fatalement s’écoule,
Donne des cheveux blancs,
Et épaissit les flancs…
Expirés tous nos rêves,
Les années sont trop brèves
Nous poussant vers la mort
Car c’est bien là le sort
Qui nous attend sans doute
Tout au bout de la route…
Rien ne sert de courir,
De se hâter de fuir,
Il faut nous mettre en file
Dans le flot qui défile…
Trop tard, il est trop tard
Et nul douteux hasard
Ne peut par coup de chance
Dévoyer la balance
Qui pèse nos regrets
Empêtrés dans les rets
De nos folles mémoires,
Histoires dérisoires…
Quand sonne le beffroi
On est saisi d’effroi…
Que reste-t-il à faire,
Que ployer et se taire,
Et ne penser qu’au temps,
Quand c’était le printemps,
L’avenir sans frontière
Filant comme rivière…
Trop tard, cent fois trop tard…
Teint affreux, l’oeil hagard
Je ronge ma déveine
Mon malheur, ma peine,
Essayant d’oublier,
D’enterrer, de noyer,
Mes insensées faiblesses,
Veuleries et mollesses,
Qui ont jonché mes jours
Et terni mes amours,
Laissant mon impatience
Miner ma confiance.
Ainsi jamais n’ai pu
Être vraiment repu
Du vertige de vivre
Tel un grand oiseau ivre.
Marcel Chabot 1er mars 2023