Vers et rimes
La particule fantôme (rêve de nuit éveillé)
Fruit trouble du mystère
Du rien qu’une étincelle
Dans le vide alluma
Pour que la lumière fut
Fusant pour engrosser
Orgasme fabuleux
La masse des ténèbres
Sans connue origine
Ou vrai commencement
Se déployant espace
Chaque instant inventé
Vers d’autres horizons
Aux infinies frontières
Jamais jamais atteintes
Jusqu’à l’extinction
Du mouvement qui coule
Tel le temps s’allongeant
Toujours et sans limite
Ne sait s’il s’éteindra
D’usure ou d’abandon
Tant sa gestation longue
Parmi les galaxies
D’étoiles en trous noirs
Dans la soupe tépide
De la matière sombre
Qui forme l’Univers
Enfin elle apparut
Après force détours
Dans la sauce alchimique
L’humaine créature
Et qui siècle après siècle
D’inlassable mouvance
Insensées aventures
S’est élevée au faîte
De cette tour funeste
Portant le nom Babel
Mais ce n’était alors
Que primaire animal
Sans langage et parole
Non plus que gite ou feu
Vagabonds éperdus
Dans les terres arides
Les savanes profondes
Noyées dans des marais
Grouillants d’êtres hostiles
Survivants misérables
Vêtus de peaux de bêtes
Infamants oripeaux
D’un millénaire à l’autre
Par mille avatars
Muant vers sapiens
Et ainsi il pensa
Inventa des outils
Les signes, l’écriture
Pour garder en mémoire
Les faits actions et gestes
Pour la postérité
Les inventions aussi
Les grandes découvertes
La roue et puis les voiles
Les voyages lointains
Mais aussi les conflits
Les armes meurtrières
Pour usurper la terre
D’un voisin pacifique
Tuer ses habitants
Du premier au dernier
C’est ainsi que l’Histoire
De ces temps oubliés
Nous rapporte l’orgie
Des tueries et des morts
Qui ont rougi les sols
Où ont vécu des peuples
Doués de connaissances
Et d’un vaste savoir
Doublé de l’expérience
De leurs vaillants aïeux…
Et ainsi je suis là
Moi pauvre puceron
Perdu dans le cosmos
Dessus un astre d’eau
Éclairé par un phare
Qu’on nomme le soleil
Dans une nuée sombre
Tournoyant à l’envi
Telle une valse lente
Jusque’à la fin du temps
Et à travers mon corps
Passent les neutrinos
Par milliers par millions
Particules si fines
Qu’elles n’ont pas de poids
Ne seraient-elles donc
Ce qu’on appelle esprit
Ou bien alors conscience
Ou bien en bouche sainte
Le souffle de la vie
Ce qui ne se voit pas
En un mot, un seul, l’âme,
Particule fantôme
Fille du Bigre Boum…
Marcel Chabot, 8 avril 2023