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Jouez, jouez, il en restera toujours quelque chose...

Vol. 10, no 3, Mai 1997

Pourquoi tant d'adultes se montrent-ils encore si réticents lorsqu'il s'agit d'utiliser un ordinateur? Pourquoi les enfants, même très jeunes, et les adolescents sont-ils par ailleurs si attirés par cette nouvelle technologie et en comprennent-ils si rapidement le fonctionnement? Une partie de la réponse à ces deux questions tient certainement au fait que les moins de 15 ans ont été plongés très tôt dans l'univers de l'informatique, comme Obélix qui doit sa force exceptionnelle à la potion magique dans laquelle il est tombé en bas âge. Ils semblent aussi à l'aise dans cet univers que des poissons dans l'eau.


On peut invoquer un autre facteur pour expliquer, quant à ces mêmes questions, les différences d'attitudes entre les jeunes et les adultes. Les premiers sont à un stade de leur vie où l'apprentissage passe par l'expérience. Ils touchent à tout, expérimentent, vérifient, essaient, éprouvent... Ils en sont parfois agaçants! Pour quelle raison, peut-on alors se demander, beaucoup parmi les seconds ont-ils délaissé, les années passant, cette façon de découvrir et de construire le monde? S'agit-il, comme le suggèrent certains psychologues, d'un troc entre la faculté d'apprendre, très développée au moment de l'enfance, et la capacité d'organiser et d'utiliser à bon escient les connaissances qui s'accumulent dans le cerveau avec les années? Quoiqu'il en soit de la théorie, c'est un fait bien connu que les enfants privilégient la manipulation et le jeu pour apprendre. Quelle leçon peut-on en tirer en rapport avec nos questions de départ?


Pareils à des enfants...


Ce qui nous arrête souvent lorsque nous abordons un apprentissage nouveau, comme celui lié à l'utilisation de l'ordinateur, c'est la crainte de l'inconnu. Pour l'enfant, l'inconnu constitue plutôt un attrait, un défi. Voit-il une porte d'armoire entrouverte qu'il s'y engouffre pour voir ce qui se trouve à l'intérieur. Découvre-t-il un appareil nouveau dans une pièce de la maison, qu'il s'empresse de le tâter et d'en découvrir l'utilité et le fonctionnement, par essais et erreurs, en tournant tel bouton ou en appuyant sur tel autre. Combien d'enfants de sept ou huit ans connaissent mieux le fonctionnement du magnétoscope familial que leurs parents!


On dit souvent que l'âge est un gage de sagesse. Mais est-il bien sage d'éviter les situations inconnues et de se priver ainsi d'expériences nouvelles et enrichissantes? Est-il bien sage de reculer devant les défis qui pourraient contribuer à notre épanouissement et, qui sait, à celui de notre entourage?


L'ordinateur est une source de nombreux défis. Comme les enfants, laissons-nous tenter par l'aventure! Imitons-les! Surtout, acceptons de nous laisser entraîner par eux et de travailler en leur compagnie. Ils nous réapprendront peut-être, en jouant, le plaisir de tâtonner et d'explorer. Ils nous montreront qu'en informatique l'erreur est très rarement fatale et qu'il existe de nombreux moyens de corriger celles qu'on aurait pu commettre. Ils nous feront prendre conscience que l'ordinateur n'est pas une boîte de Pandore ni une trousse de magie, mais un outil puissant aux mille et une possibilités. Un outil plutôt simple à utiliser, au fond, même si ses composantes sont le résultat d'une technologie avancée. En effet, on peut affirmer, aujourd'hui, que la facilité d'utilisation d'un ordinateur est inversement proportionnelle à la complexité et à la précision des éléments qui le composent.


Un jeu à la portée de tous...


En effet, les systèmes d'exploitation mis au point depuis quelques années et qu'on ne cesse d'améliorer de mois en mois, voire de semaine en semaine, sont remarquables par leur convivialité, ce terme suggérant l'idée d'un rapprochement entre l'humain et la machine. Les nouvelles applications de toutes sortes, traitements de texte, logiciels de dessin, chiffriers, bases de données, outils de gestion et de planification, navigateurs, sont de plus en plus faciles a utiliser, tout en offrant un éventail de possibilités de plus en plus large. Les périphériques tels que les numériseurs, les appareils-photo numériques, les lecteurs de DOC, peuvent être installés sans difficulté par quiconque est capable de lire et de suivre un court mode d'emploi.


Le prétexte consistant à invoquer la difficulté d'utilisation d'un ordinateur ne tient donc plus. Quelques heures suffisent à toute personne confiante en ses moyens et désireuse d'apprendre, pour se familiariser avec les principales fonctions d'une système d'exploitation ou d'un logiciel. A titre d'exemple, cet adolescent d'une quinzaine d'années, élève de quatrième année du secondaire , à qui je confiais, l'autre jour, les commandes de mon ordinateur pour qu'il puisse trouver des renseignements sur la ville de New York. Lui qui, jusque là, n'avait utilisé l'ordinateur que de façon sporadique, se lança à l'assaut d'Internet avec assurance et navigua d'une site à un autre pendant deux bonnes heures. J'étais d'autant plus confondu qu'il m'avait avoué que c'était sa tout première incursion sur le Grand Réseau Planétaire. Après quelques minutes, il maîtrisait le navigateur Netscape presque aussi bien que moi. En l'observant, j'ai redécouvert le plaisir d'apprendre en jouant : c'est-à-dire dans la ferveur mais de façon détendue; c'est-à-dire aussi avec une assurance qui n'est pas altérée par la crainte de l'erreur ou par un désir obsessionnel de réussite.


Un jeu sérieux...


Que la meilleure façon d'apprivoiser la petite bête nommée ordinateur passe par le jeu, cela n'empêche pas que ce jeu puisse être sérieux. On peut s'en servir comme moyen de divertissement, bien sûr, la gamme des ludiciels disponibles sur le marché étant très vaste. On peut l'utiliser aussi pour approfondir ou consolider certains apprentissages, à l'aide d'exerciseurs, par exemple. Mais ce sont là des applications qui ne prennent en compte qu'une faible portion du potentiel de la machine. Parmi celles qui permettent d'accomplir des tâches complexes et de réaliser des projets ambitieux, il y a les logiciels-outils dont j'ai parlé dans une chronique précédente.


L'avènement d'Internet et la multiplication des disques optiques compacts (les DOC) font maintenant de l'ordinateur un instrument de recherche et de découverte indispensable.


Prendre le virage : aujourd’hui pour demain...


Le présent texte vise, comme le lecteur aura pu le constater, à convaincre celles et ceux qui hésitent encore à prendre le virage informatique de se tourner vers les jeunes pour prendre exemple sur eux, pour s'alimenter à leur ferveur, à leur goût du défi, et pour s'inspirer de leur façon d'apprendre. Comme beaucoup d'inventions de ce siècle, téléphone, radio, télévision, vidéo, l'informatique envahira tous les domaines d'activités et il est fort probable que, d'ici dix ans, l'ordinateur aura une place de choix dans la plupart des foyers. Le phénomène est en marche. Il est incontournable. ll n'y a pas raison que l'école et ceux qui la font ne contribuent pas, dans le domaine qui est le leur, à en faire un outil d'apprentissage et de réussite optimal.


De plus, en cette époque où l'heure de la retraite sonne de plus en plus tôt pour les professionnelles et les professionnels de l'enseignement, l'ordinateur pourra leur permettre d'exercer une activité intellectuelle stimulante, de réaliser de «vieux» projets et, s'ils le désirent, de partager avec les plus jeunes leur savoir-faire bâti de longue main. Au seuil moi-même de la retraite, c'est en tout cas la grâce que je me souhaite!